Une histoire de jus de canne

Nous avons profité des péripéties sanitaires pour faire nos valises direction le soleil ! Appareil photo et crayon dans le sac, voici une petite visite guidée des distilleries de Guadeloupe et de Marie-Galante.

J’espère que ces quelques images vous donneront l’envie d’aller les découvrir dans vos verres, et par vous-mêmes !

Marie Galante

Habitation Roussel-Trianon

En route pour la Distillerie Père Labat sur le Domaine Poisson, nous ne pouvions passer à coté sans faire une halte dans ce domaine historique.

Bref historique

  • 1648 : établissement à Vieux Fort d’une cinquantaine de colons. Premières cultures commerciales de tabac, indigo, coton, café et cacao.
  • 1660 : début de la culture de la canne à sucre.

  • 1669 : l’habitation Trianon est mentionnée comme l’une des plus importante de l’île (environ 390 Ha) Nicolas Bonhomme en est le propriétaire.
  • 1747 : la propriété de Jean-Joseph Lacavé dit Faussecave comprend une maison principale, quelques cases d’esclaves, une sucrerie, un moulin à bêtes et deux cases à bagasse.
  • 1785 : devient la propriété de l’une de ses filles qui épouse Paul Botreau-Roussel
  • 1796 : le recensement donne Paul Botreau – Roussel et son épouse, leurs 11 enfants, 6 domestiques et leurs 7 enfants, les cultivateurs et autres travailleurs sont 199 (l’esclavage est aboli en 1794 et rétabli en 1802).
  • Hildevert Boireau-Roussel rachète les parts de ses frères lors du décès de son père.
  • 1830 : sa femme en prend la succession à sa disparition
  • 1843 : tremblement de terre. L’habitation est particulièrement affectée, de plus la perspective de l’abolition de l’esclavage pousse Mme Bernard à moderniser la sucrerie avec des machines à vapeur.
  • 1861-1873 : l’Habitation reste dans la même famille
  • 1873 : vente à la famille de Retz qui possède déjà l’usine sucrière de Grand-Anse. Les nouveaux arrivants vident l’Habitation Roussel de toutes ses machines.
  • 1979 : le site est affecté après défrichage à l’écomusée de Marie-Galante.

La grande écurie

Construite entre 1785 et 1790, elle s’apparente à certains bâtiments militaires ou industriels de Métropole (fonderie Royale du Creuset (Saône et Loire)

Moulin à vent

Construit en 1800, il a remplacé le moulin à bête, en vue de la modernisation. En 1843, il est réparé suite aux dégâts du tremblement de terre et modernisé suite aux prémices de l’abolition de l’esclavage.

La sucrerie : sa construction à commencé en 1845, et s’est achevée en 1863. En 1845, la vapeur s’est invitée comme seconde source d’énergie, pour activer les machines mais aussi pour la transformation de la canne en sucre ou en alcool.

La sucrerie produit 250 tonnes de sucre par an avec ses 20 turbines centrifugeuses qui permettent de purger le sucre de la mélasse après cristallisation.

Espérons que ces traces de l’industrie basée sur l’esclavagisme nous permettent de dépasser ce crime contre l’humanité.

Distillerie Père Labat sur le Domaine Poisson

Avant toute chose, je tenais à remercier Simon-Pierre Carré qui nous a organisé cette visite. Sans oublier Sullivan Delord (Maître Distillateur) pour avoir été un hôte remarquable, il nous a transmis sa passion tout au long de nos échanges.

Bref Historique :

  • XVIIIe siècle : achat du Domaine par Mme Poisson Catherine. Le domaine porte encore son nom.
  • 1863 : début de la sucrerie
  • Fin du XIXe siècle après la crise sucrière : transformation en distillerie
  • début du XXe siècle : Monsieur E.RAMEAU décide de faire l’acquisition d’un pot Still (copper de la Barbade installé en 1934), puis ensuite d’une colonne créole en cuivre installée en 1955.

Traces du passé

Les anciennes “sucrottes”

La première marmite recevait le jus frais et s’appelait “la grande”. Le jus cuisait ainsi pendant une demi heure à 60°, ensuite on retirait l’écume puis on la versait dans la seconde, “la propre”. On y ajoutait ensuite de la chaux et de la cendre alcaline pour agglomérer les impuretés. Enfin, le “Flambeau” puis le sirop étaient versés dans la “batterie”.

Revenons à nos sucrottes !!! Comment fabrique-t-on du rhum à la distillerie du domaine Poisson ?

La matière première

la canne à sucre

Quatre variétés de canne sont achetées ou produites par la distilleries pour fabriquer leur rhum (rouge, bleu, blanche et grise). La récolte se fait à la main, ce qui permet d’avoir une coupe très propre. En effet, il ne faut pas perdre de vue que le pied renferme la concentration en sucre la plus importante et que le tout est acheminé en charrette tirée par des boeufs.

Les cannes sont ensuite déversées sur ce tapis afin de passer dans le “hache- canne”. Le but est de défibrer la canne pour permettre à l’eau, lors de l’imbibition, de pénétrer dans la tige. Cela permet de dissoudre le sucre et l’extraire ainsi plus facilement lors du passage dans le moulin.

La canne à sucre passera ensuite dans deux moulins pour en extraire le pur jus de canne.

Du Jus au Vesou

Ce jus fraîchement pressé est ensuite mis dans des cuves pour la fermentation. Il n’ y a qu’un faible ajout de levure (type boulangère) au départ pour la création de la cuve mère. Celle-ci ensemence ensuite les autres cuves filles (ouvertes). C’est alors parti pour une fermentation allant jusqu’à 72 heures afin d’obtenir un vin titrant entre 5 et 8 % d’alcool.

La distillation

Cette étape est cruciale pour la séparation de l’eau et de l’alcool du vin de canne. L’éthanol étant un solvant, c’est lui qui est responsable de l’aromatique du distillât en se chargeant des molécules aromatiques.

La photo nous montre l’authenticité de la production, les joints sont ici faits en filasse.

Il s’agit d’une colonne créole de 11 plateaux d’épuisement et de 4 plateaux de concentration / rectification. Le distillât obtenu sera compris entre 69 et 74 % d’alcool.

Une partie du rhum de coulage ainsi obtenu est directement embouteillé pour donner le 70.7 °. L’autre est mise au repos et réduite avec de l’eau déminéralisée pour arriver au degré mythique du 59 °. Ensuite, une partie passe en foudre de vieillissement afin d’élaborer la gamme des E.S.B. (élevés sous bois) : le Soleil 59° avec 3 mois de repos, le Soleil 55° avec 6 mois de vieillissement et le Doré avec ses 18 mois

Une dernière partie sera enfûtée pour être mise à vieillir dans des anciens fûts de Bourbon. Cela pour obtenir des vieillissement différents et élaborer des millésimes, des single Casks etc.

De l’apéro à la table…

L’authenticité est le maitre mot qui anime ce sanctuaire du rhum. N’importe quelle personne experte ou non aura déjà entendu parler du Père Labat. Ce respect des traditions et l’amour du travail bien fait se respirent et transpirent à chaque moment passé sur place.

Que dire du déjeuner, juste excellent ! Encore mille merci aux personnes qui nous ont permis de découvrir cet écrin de Marie-Galante où naissent de splendides rhums.